Histoire

La naissance du village d’Auxelles-Haut

Par acte du 14 janvier 1569, l’archiduc Ferdinand II de Habsbourg confirme l’investiture de Philippe Henri de Ferrette et ses héritiers, en leur fief d’Auxelles (Auxelles-Bas d’aujourd’hui). Mais, dans le même acte, Ferdinand II se réserve “les forêts noires et bois de hautes futaies“, autrement dit les hauts d’Auxelles. Le village d’Auxelles-Haut était enfin né !

Auxelles avant Auxelles-Haut

L’existence du village d’Auxelles (Auxelles-Bas d’aujourd’hui) est attestée dans les années 1130-1140. Avant le XIe siècle, il y a très peu de traces archéologiques ou historiographiques.

Au Moyen-Age, Auxelles est en … Bourgogne!

Les seigneurs d’Auxelles sont vassaux des sires de Faucogney dont les terres rassemblent peu ou prou les villages de l’actuelle Communauté de Commune des Mille Etangs.

A l’ouest d’Auxelles, ce sont les terres voisines de l’abbaye de Lure constituées, outre la seigneurie de Lure, de la seigneurie de Passavant comprenant Champagney (Passavant) et Plancher.

A l’est d’Auxelles se situe le Rosemont appartenant au Comté de Montbéliard. L’absence totale de traces historiographiques avec ce voisin (Auxelles ne fait pas encore partie de la seigneurie du Rosemont et constituera ensuite une seigneurie particulière) conforte l’hypothèse d’un village d’Auxelles bien bourguignon!

Nous nous souvenons de nos anciens livres de géographie et d’histoire parlant du Territoire de Belfort comme de la “Porte de Bourgogne”. Et bien, nous pouvons dire qu’Auxelles, à l’ouest, en est l’entrée !

Trouvez le point commun entre ces blasons de l’époque! De gauche à droite, Auxelles-haut, Auxelles-bas, Ronchamp  et Faucogney.

Les Sires d’Auxelles

La lignée des premiers sires d’Auxelles est donc d’origine bourguignonne. Ils ont probablement été des vassaux loyaux et de confiance pour la Maison des Faucogney. Ce n’est peut-être pas un hasard si le fief frontière d’Auxelles leur a été confié.

La lignée des sires d’Auxelles s’éteint en 1390 avec ce Richard, dernier du nom. Sire d’Auxelles et de Montby, Richard a visiblement délaissé son fief et guerroyer avec son oncle, Jean de Vienne, en Franche-Comté, Guyenne, Cotentin, Manche, Angleterre…!

Fin de lignée, guerre de Cent Ans ne rendent pas facile le suivi de la transmission du fief d’Auxelles dans les années 1400 à 1500. C’est un simple mariage qui fait finalement basculer définitivement Auxelles (-Bas) de la Bourgogne vers l’Est et la Seigneurie de Belfort! Auxelles(-Bas) deviendra, en effet, par alliance territoire des Ferrette, riche Seigneurie du Sundgau. Les trois fils d’Ulrich de Ferrette figureront sur un acte d’investiture de fief, signé de Maximilien de Habsbourg en 1500. Auxelles sera le fief  le plus éloigné à l’ouest des Ferrette et gardera toujours un statut de seigneurie particulière au sein du Rosemont.

Les hauts d’Auxelles, Auxelles-Haut – les mines

C’est par l’histoire des mines que nous pouvons entrevoir les premières occupations d’Auxelles-Haut. Avant les mines, les hauts d’Auxelles ne sont probablement que très peu fréquentés. L’acte administratif de naissance d’Auxelles-Haut de 1569 mentionne des “forêts noires et bois de haute futaie”, donc probablement, altitude aidant, des lieux denses, peu fréquentés, en opposition aux bois en lisière de village ou de prés qui, à l’époque, procuraient le bois de chauffage, bois de construction et nourriture pour les cochons.

Certains ont imaginé une activité minière d’or à l’époque romaine d’où l’origine supposée du nom d’Auxelles – auricella. Mais, aucunes traces significatives ni dans la géologie, ni dans l’historiographie.

C’est à partir du XIIème siècle que des traces de prospection et d’exploitation sont connues. Nous pouvons cependant penser, avant l’essor industriel, à une prospection de la “pierre de mine” artisanale, de surface et saisonnière.

A Lepuix, du côté de Pfenningthurm, des pierres sculptées représentant pics et hache avec la date de 1123 ont été retrouvées. En 1145, mention est faite d’une chapelle, signe d’une population sur place.

Par ailleurs, au milieu du XIIe siècle, le rôle des abbayes est bien connu dans les travaux de défrichement puis d’exploitation agricole ou minière, notamment dans la vallée du Rahin par l’abbaye de Lure et dans la vallée de la Doller avec l’abbaye de Masevaux.

Les princes de Montbéliard, possesseurs de la seigneurie du Rosemont, ne semblent pas s’intéresser aux gisements potentiels de nos montagnes. C’est à partir de 1347 que, sous domination habsbourgeoise, la prospection et l’exploitation commencent à être organisées.

Au Rosemont, les Habsbourg favorisent les groupements ou compagnies alliant investisseurs, nobles ou bourgeois, et mineurs avec des droits sur les forêts, sols et eaux.

Après la guerre de Cent ans, les besoins en métaux précieux sont importants. Des reprises d’activité sont constatées au Tyrol, Bohême, Saxe et en Alsace. Localement, nous aurons les sites lorrains du Thillot et de Bussang et, en Bourgogne Comté, Château Lambert, Servance, Ternuay, le Mont de Vannes (au-dessus de Ronchamp), Plancher les mines, Auxelles, Lepuix, Giromagny, Lamadeleine et les vallées alsaciennes.

Le Mont Ménard fut probablement le 1er lieu d’exploitation, chronologiquement et géographiquement, en surface ou par des puits de faible profondeur. Il donnera “un paysage industriel”, la lande que l’on connait aujourd’hui avec sa maigre couverture végétale.

Les autrichiens amenèrent savoir-faire et capitaux pour des infrastructures d’extraction et autres roues d’exhaure.

La mine St jean, gisement montant d’Auxelles-Bas jusqu’au mont Ménard, fut la plus rentable et la plus longuement exploitée. Les autres mines se développèrent dans le village d’Auxelles-Haut, rue de la Stolle, rue de la Suisse, rue des Bruyères. Autrement et plus justement dit, le “nouveau village d’Auxelles” se développa autour des entrées de mines de la vallée du Rhôme, de la Tige Gronde (la Stolle).

Les contrats miniers, registres des mines et règlements qui nous sont restés permettent de mieux dater les débuts de la quasi-industrialisation de l’activité minière.

En 1469 : A la suite des difficultés des Habsbourg à tenir leur vaste empire, dont nombre de seigneurie sont déjà gagées, Charles le téméraire, par le traité de St Omer, annexe la Haute-Alsace.  En 1471, il charge deux commissaires, les dénommés Pillet et Poinsot, d’un inventaire comptable de ses nouvelles possessions. Il rêve d’un district minier de l’Ognon à la Thur et tentera, en vain, de ravir les mines de Plancher aux abbés de Lure.

1472 : Contrat d’exploitation, probablement de la mine St Jean, Petit St Jean et St Nicolas, octroyé par Charles le Téméraire à … Jean Pillet, son fidèle commissaire, en échange de bons et loyaux services ?!

1473 : Le mont de Vannes, au-dessus de Ronchamp/Champagney, est en peine exploitation.

1484 : 1er règlement de mines à Plancher.

1517: Règlement des mines Habsbourg en Brisgau et Alsace.

1560 : 1er règlement de mines spécifique à Auxelles et Lepuix.

1564 : Incendie des baraques à Giromagny. La population autochtone trouve que les mineurs étrangers sont trop nombreux et font culte protestant à Montbéliard. Ces mineurs se rapprochent alors probablement des gisements, à Lepuix et Auxelles.

1565 : Rapport du juge des mines de Giromagny: 6 à 8 mines sont en exploitation à Auxelles (St Jean, Gesellschaft, Neu Jahr, Gottes Gab, St Nicolas, Suisse..).

Ainsi donc, ces quelques dates nous révèlent une présence humaine et certaine dans les hauts d’Auxelles, et ce, bien avant 1569.

Nous n’avons pas de données sur la démographie entre 1450 et 1569. Mais, en 1586, 80 maisons de mineurs sont recensées; en 1593, il y a 130 habitations “dont 6 rosemontois” (3 cabaretiers, 2 boulangers, 1 mercier). En 1620, on compte 650 habitants. A l’époque on pouvait en effet avoir jusqu’à 10 personnes par habitation !

Auxelles-Haut d’aujourd’hui compte 160 foyers et 300 habitants …

1569, l’acte de naissance du village d’Auxelles-haut

En 1569, Ferdinand II de Habsbourg, Archiduc d’Autriche, Duc de Bourgogne, Styrie, Carynthie, Carniole et de Würtemberg, Comte de Habsbourg et du Tyrol remets de l’ordre “dans ses papiers”. Compte-tenu des difficultés de la maison Habsbourg, son prédécesseur n’a pas “géré” correctement ses fiefs, fiefs pour lesquels il doit y avoir investiture formelle, foi et hommage des vassaux etc… Comme d’autres seigneuries en Alsace, Auxelles doit être régularisé. Il ne s’agit donc que d’une opération “administrative” touchant plusieurs fiefs en Haute-Alsace.

Cependant, l’acte concernant Auxelles (-Bas) a une réserve. Sans mentionner explicitement l’activité minière en plein essor à Auxelles, l’Archiduc Ferdinand II s’octroie le territoire des bois et forêts au-dessus d’Auxelles-Bas, territoire qui sera alors nommé “le nouveau village d’Auxelles, “Auxelles les monts”, “Asselberg”, “OberAssel”, “Auxelles-le-Haut”.

Le choix de la création d’un nouveau village et non d’une fusion avec le village existant d’Auxelles (-Bas) pourrait avoir été dicté par l’intérêt pécunier que l’on devine … Par ailleurs, les mineurs présents sont, visiblement installés hors d’Auxelles (-Bas) au plus près des filons, tous autrichiens, et un grand nombre a probablement été probablement chassé de Giromagny, lors de l’incendie des baraques de 1564.

Bien qu’obtenant un fief dorénavant automatiquement transmissible à leurs héritiers, les Ferrette, seigneurs d’Auxelles-Bas voit leur fief se fixer sur le bas de la montagne avec, en son point haut un château, un moulin, quelques sujets et quelques prés, et peut-être quelques mines sur les bas de la montagne.

Suzerains et vassaux d’Auxelles-Haut

Les premiers suzerains d’Auxelles-haut seront donc les Habsbourg. Après le Traité de Westphalie de 1648, la Haute Alsace devient française. La Franche-Comté le sera en 1678 par le Traité de Nimègue. Le roi de France accorde la suzeraineté du Rosemont à Mazarin et ses héritiers (La Meillerai, Grimaldi..). Mais, il y aura contestation des vassaux d’Auxelles-Haut argumentant que le fief d’Auxelles-Haut est particulier, ayant été créé directement par Ferdinand II et ne pouvant qu’être nommément attribué. Ils obtiendront gain de cause, et le roi de France restera le suzerain.

Les Ferrette resteront seigneur d’Auxelles-Bas avec la transmission héréditaire du fief.

Les duc d’Autriche nommeront Christophe Heid de Heidenbourg et ses héritiers, vassal et seigneur d’Auxelles-Haut (de 1600 à 1677). De 1569 à 1600, Christophe Heid de Heidenbourg, y mettant même ses biens de Giromagny, échangera maintes correspondances pour définir le contenu et les droits du fief d’Auxelles-Haut et pour se voir confirmé dans l’investiture plus de 30 ans après l’acte de Ferdinand II.

Il fera visiblement adopté la foi catholique aux mineurs protestants, en conformité des dispositions du traité de Paix d’Augsbourg de 1555, “cujus regio, ejus religio” , par lesquelles les sujets ont la religion de leur prince.

Mazarin et ses héritiers seront contestés comme seigneurs d’Auxelles-Haut par les héritiers des Heid de Heidenbourg:  Louis Frédéric de Frotey de Bugey dont l’épouse est une Heid de Heidenbourg (1677-1703), Philippe Antoine de Riboulet de Lobel, époux de la fille de Frédéric de Frotey (1703-1762).

Le Comte de Wurmser (1762-1789) sera récompensé par le roi, mais ne viendra jamais sur place et ne fera qu’encaisser les maigres revenus du fief.

Auxelles-Haut après 1569

A la date symbolique et administrative de 1569, nous avons dorénavant 2 villages à Auxelles, l’un passé de Bourgogne à la Haute Alsace, l’autre “tout neuf” peuplé d’étrangers qui vont faire souche.

L’activité minière, déjà bien en place, sera concentrée à Auxelles-Haut, même si la mine St Jean a eu 2 entrées de galerie (cote 489 et cote 600) sur le territoire d’Auxelles-Bas. De 1550 à 1630, ce sera la période faste de l’exploitation minière.

Il y aura ensuite les Suédois (1632-1638) et de nombreux mouvements de troupes et massacres pour arriver à ce qui constituera la partie Est du royaume de France.

Sur le plan économique, les difficultés techniques d’exploitation des filons entrainant des investissements de plus en plus lourds, d’un côté, et la baisse du rendement des filons de l’autre côté, vont entrainer le déclin inexorable de la région. En 1716, ce sera l’arrêt des mines avec quelques tentatives de reprise non durables ensuite jusqu’au XIXè siècle.

Pour les Auxelles, le XVIIIe siècle sera celui de la subsistance agricole, puis le XIXe celui des reconversions de l’activité minière à l’activité de tissage (entre 350 et 400 tisserands en 1879), puis à l’activité de petite métallurgie (270 serruriers à Auxelles-Haut en 1891).

La suite, plus proche, nous la connaissons mieux. L’histoire du XXe siècle sera commune aux 2 villages d’Auxelles avec une activité agricole locale modeste, des petites usines de décolletage, le travail à Belfort chez Bull ou Alsthom ou à Sochaux chez Peugeot.

Et pour le XXIe siècle ? Deux villages d’origine distincte, un château qui relie les deux, le folklore traditionnel de “guerre des boutons” entre Trissots et Quichelots, le même “pays” et les mêmes montagnes. L’histoire est à écrire…